Un tribunal américain a acquitté l'ancien responsable suisse d'UBS, Raoul Weil, après une brève délibération. Le jugement a en outre ceci de remarquable que, contrairement à l'anti-américanisme qui sévit dans ce pays, il marque un tournant salutaire. Les États-Unis sont un État de droit. Même un banquier suisse publiquement dénoncé, accusé de pratiques louches, peut compter sur un procès équitable. L'acquittement est aussi un gage de qualité du système juridique américain.

Ma déception personnelle porte sur le comportement du principal témoin suisse de l'accusation, Martin Liechti. L'ancien chef d'UBS aux États-Unis figurait avec un salaire annuel d'environ cinq millions de francs parmi les cadres les mieux rémunérés de la banque. Sa position est comparable à celle d'un colonel de l'armée suisse. Weil, son ancien supérieur hiérarchique, aurait, quant à lui, un grade de général. Liechti était responsable du bon comportement dans son régiment. Il devait vérifier que les armes étaient nettoyées et les bonnes boîtes de munitions prêtes. C'était à lui de s'en assurer, et non à son supérieur hiérarchique. 

Liechti a tenté de noircir son ancien chef devant le tribunal. Il s'est présenté comme un subordonné critique qui avait attiré l'attention de ses supérieurs insensibles sur des pratiques douteuses, ce que ses chefs n'auraient pas su apprécier à sa juste valeur. Pardonnez-moi, mais si Liechti avait réellement eu l'impression de travailler dans une société trouble, il aurait pu à tout moment arrêter et renoncer à son énorme salaire. Le fait de relativiser sa propre responsabilité, voire carrément de tenter de la rejeter sur ses supérieurs, met en cause sa personnalité de dirigeant. Néanmoins, les anciens supérieurs de Liechti doivent également se demander pourquoi ils ont laissé ce Bernois monter si haut dans la hiérarchie.

Il est clair que Liechti a probablement subi, à l'époque, une énorme pression de la part des Américains pour accepter de coopérer. Pour être juste, on peut faire preuve d'une certaine compréhension pour ce père de plusieurs enfants, qui a moisi peu de temps dans une cellule aux États-Unis, avant d'être toutefois logé temporairement par la justice dans un bel hôtel américain. En revanche, Raoul Weil, l'accusé principal, a connu des conditions bien pires que Liechti. L'opinion publique n'a pratiquement pas su ici que Weil a passé deux semaines, après son arrestation, au milieu de grands criminels et d'assassins dans une prison italienne et qu’une fois un codétenu lui a mis une lame sur la gorge pour lui extorquer quelques millions de francs. Weil a traversé beaucoup d'épreuves avant de parvenir à son acquittement.

Qu'en reste-t-il? Raoul Weil peut se réjouir. Il a peut-être, en tant que responsable, réagi trop tard à la mutation du sens de la justice des Américains en matière de gestion transfrontalière de fortune. Cela n'en fait pas un criminel. L'avenir reste incertain pour la place financière suisse. Les autorités fiscales américaines ne vont pas retirer leur pression à cause de l'acquittement de Weil.

La discussion autour de l'initiative Ecopop atteint le niveau de l'hystérie. Depuis peu, l'UDC est rendue responsable en cas de victoire du projet lors de la votation du 30 novembre. On prétend que les chefs de parti n'auraient pas leurs «troupes» bien en main, comme s'il s'agissait pour l'UDC ou, en général, pour les partis suisses de colonnes de robots serviles, manipulés à volonté d'en haut. Le débat passe à côté de l'essentiel. Il serait très facile de couper l'herbe sous le pied à l'initiative Ecopop. Le Conseil fédéral n'aurait qu'à venir expliquer aux gens qu'il va faire tout son possible pour mettre en œuvre l'initiative contre l'immigration de masse adoptée le 9 février. Il devrait se résigner à leur faire comprendre qu'il prend au sérieux le malaise généralisé concernant l'immigration qui ne cesse d'affluer et qu'il fait tout ce qui est en son pouvoir pour résoudre le problème. Plutôt que d'offenser les défenseurs d'Ecopop et de les pousser vers les extrêmes, le Conseil fédéral pourrait expliquer, avec tout le respect dû aux auteurs de l'initiative, que leur préoccupation est superflue compte tenu des propres efforts crédibles qu'il entreprend pour limiter l'immigration.

Il serait intéressant de savoir pourquoi le Conseil fédéral ne le fait pas? Pourquoi se perd-il dans des incantations affolées de scénarios apocalyptiques qui ne sont, de toute manière, pas pris au sérieux après le 9 février? Je crains que ce soit parce que le Conseil fédéral ne veut pas mettre en œuvre l'initiative contre l'immigration de masse.

Le scénario pourrait être le suivant: le Conseil fédéral affirmerait solennellement qu'il va mettre en œuvre l'initiative contre l'immigration de masse. Simultanément, il laisserait ses négociateurs récolter à Bruxelles un non retentissant à des renégociations ou à des amendements portant sur la libre circulation des personnes. Il s'emparerait de l'occasion offerte par le niet de l'Europe pour activer le plan que poursuit le président de la Confédération, Didier Burkhalter, de lier la Suisse plus étroitement à l'UE par un accord-cadre. Cela aboutirait à une votation où se jouerait le destin de la Suisse sur les accords bilatéraux, prétendument vitaux pour celle-ci, qui ancrerait l'accord-cadre de Burkhalter d’une manière insoupçonnée. La libre circulation des personnes refusée ferait partie de cet accord-cadre. Si le Conseil fédéral remportait la votation, le 9 février deviendrait caduc et la Suisse serait plus proche que jamais d'adhérer à l'UE en catimini.

Attendons la suite.